dimanche 31 août 2008

En rêvant à Gérard de Nerval


Le ténébreux enchâsse la nuit dans son regard
Et décroche du ciel les lieux oubliés par l'histoire
Si la Sainte fleurit le tombeau vide à Bénarès
Elle rêve mieux ce temple défait des rayons solaires

Daphnée ignore tout de l'ancienne romance
Que le Valois chantait à Mortefontaine au printemps
Car le souffle prophétique est détenu par l'écho
Et l'écharpe d'Iris ne calme plus les orages

Une fantaisie d'amour attend le regard sec
Un livre s'ouvre quand s'entrouvrent les lèvres
Tu parleras bientôt pour noyer les ténèbres
O toi dont l'âme suscite la vague et rêve le corail

Le frêle château dans le brouillard des fleurs
Dément la fausse harmonie des nuages crépusculaires
Tu sais depuis toujours lire l'espoir dans les sanglots
Et la vie antérieure au sourire de Syvie disparue

Claude Lopez-Ginisty: Saisons et Sentiments
Photo: icône 

samedi 30 août 2008

Musique Tzigane





La musique tzigane

Coule dans le feu
Et brûle fougueusement l'esprit
Tandis que ses violons langoureux
Déchirent l'âme
Et font pleurer le cœur

L'archet doucement et sûrement
Incise avec précision
Les blessures anciennes
Et les amours mortes

Et la voix dans le chant
Est un écho subtil 
De tous les sentiments
Gardés prisonniers au secret
Dans la demeure intérieure

Et l'on se voit nu
Face au silence 
Qui précédait la musique

Et l'on se sait démuni
 Par rapport à l'aube
Claire et douce
Des souvenirs magnifiés
Qui vont mourir 
Face à la morne réalité 
Du jour qui s'avance

Claude Lopez-Ginisty: Musiques
Crédit Photo: 

vendredi 29 août 2008

Ikebana VI



LI
Le soleil
Ombre 
Le sol

LII
Le souci
Jaune de mille tourments

LIII
Le thym
Frais
Au visage de l'aurore

LIV
La soldanelle
Prend
Le maquis

LV
Le trèfle
Fait un jeu vert
A son avantage

LVI
La vigne vierge
Protège sa vertu
Sur les murs des couvents

LVII
L'yeuse
Qui se lie facilement
N'est pas parente 
De l'œillet

LVIII
L'ypréau
Joue
Aux quatre coings

LIX
L'héliante
Regarde le soleil 
En face

LX
La zizanie
Sème 
Ce qu'elle récolte

Claude Lopez-Ginisty: Le Fol Herbier des Songes
Tableau de Van Gogh

jeudi 28 août 2008

Ikebana V


XLI
La senteur
Cet argument
De pois

XLII
Les pois
Voyagent
Dans les cosses

XLIII
La jeune poésie
Des primevères

XLIV
La prunelle timide
Sous l'œil blanc
De la lune

XLV
Le romarin
Navigue
Avec l'origan

XLVI
La sagittaire
Qui se meut aussi
Au jardin stellaire du ciel

XLVII
Le sarrasin mort
Porte son deuil
En crêpe

XLVIII
Le scolopendre
Qui meurt
Sans mandragore

XLIX
La sensitive
Ame des fleurs
Fleur des âmes

L
Le saule
Chagrin penché
Sur le sol

Claude Lopez-Ginisty: Le Fol Herbier des Songes
Tableau de Fantin-Latour

mercredi 27 août 2008

Ikebana IV

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XXXI
Lavande 
Aux enchères 
Des parfums

XXXII
Le thym
Ne fait rien
A l'affaire

XXXIII
La marjolaine
Tricote une parure
A ses branches

XXXIV
La menthe
Embaume voluptueusement
Un orme

XXXV
Le millet
Sonne l'Angelus
Des fauvettes

XXXVI

Sans chêne
Le narcisse se mire
Au miroir de rosée
Et se trouve beau

XXXVII
Le silence
D'ormaie

XXXVIII
Le pêcher
Rougit 
De honte

XXXIX
La pensée
Réfléchit
Avant de choisir sa couleur

XL
Le pin quotidien parasol
Qui s'abreuve d'azur

Claude Lopez-Ginisty: Le Fol Herbier des Songes
 Tableau de Van Dael

mardi 26 août 2008

Ikebana III

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XXI
Le frangipanier
Rempli à pleines branches
De fleurs

XXII
Le fusain
Esquisse
L'horizon

XXIII
Le goémon
Algue montagne
Sous marine

XXIV
La grenade
Eclate
Sous un coup de soleil

XXV
La gueule-de-loup
Fait peur
Aux myrtes

XXVI
Hêtre
Ou ne point hêtre

XXVII
La flore indique à l'automne
La houssaie
Il s'y perd
Et le houx demeure

XXVIII
Le jasmin
Ecrase 
Une larme-de-Job

XXIX
L'ivraie
Sait parer
Le bon grain

XX
Ah l'îf
Commencement 
De Dieu

[Alif est la première lettre du Nom donné à Dieu ( Allah)
 par les croyants arabophones de toutes les religions]

Claude Lopez-Ginisty: Le Fol Herbier des Songes
Tableau:Van Dael (XIXè siècle)



lundi 25 août 2008

Ikebana II

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XI
Les cannas
Célèbrent les noces
Des bons-chrétiens

XII
La cerisaie
Plaisante la flore
En neige rose

XIII
Le bureau de chanvre
Est à soleil ouvert
Sous les charmes centenaires

XIV
La cinnamome
Cette enfant inconnue
Au nom de femme fatale

XV
La clématite
Ouvre la porte
De la fanaison

XVI
La source écrit
O cresson
Sur le tableau invisible de l'onde

XVII
Après les cyprières
Le cyclamen

XVIII
Le palmier d'hiver
Eventail oublieux
Qui ne se souvient plus
D'une seule datte

XIX
La digitale
Laisse une empreinte coupable
Sur l'automne

XX
Le vain érable
Vénérable

Claude Lopez-Ginisty: Le Fol herbier des Songes
Tableau: Van Gogh


dimanche 24 août 2008

Ikebana (I)


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I
Cyclope floréal
L'œil est
L'oeillet

II
Flore lasse
Couchée 
Dans son grand lys

III
L'ail souffre
Et pleure
A grandes aulx

IV
L'aube est pain
Que dévore 
Le chèvrefeuille

V
L'homme-aune
S'étire au soleil
Et fait la charité
De sa pénombre

VI
La rosée
Vient prier
Dans le basilic

VII
La belle de nuit
Marche immobile sous la lune
En quête d'un bleuet

VIII
Le bouton d'or
Ferme l'uniforme
Du printemps

IX
La Bruyère
Ecrit 
Une lande

X
Les buis
Sont 
Les écoles du vent

Claude Lopez-Ginisty: Le fol herbier des songes
Tableau: Van Gogh

samedi 23 août 2008

Correspondance


La lettre exacte
N'est lue qu'au soir par l'ultime clarté
Elle ne parle plus en vain
Elle détient la place exacte des aveux tus
Un secret complice dans la moire de l'oubli

La main s'étonne de sa danse verbale
L'esprit transporte et magnifie l'écriture
Comme une fleur séchée
Qui voyagerait dans le temps
Délaissée dans un livre ancien et démodé

Jeune souvenir
Tu deviendras regrets et nostalgie

Un sourire efface déjà un chagrin
Aussi fragile qu'une tempête de lilas
Dans le soir calme où l'on rêve
Qu'un jour on ne rêvera plus

Claude Lopez-Ginisty: Oraga Haru
Photo: gravure de S. Ephrem le Syrien

jeudi 21 août 2008

Yeuses

La nuit murmure 
Les Lauriers roses essaiment une bénédiction xyloïde
A travers les étangs bordés de yeuses
Quand la lune consacre l'union de la terre et du ciel
Avec l'hostie pâle de la lune opalescente

Mais je ne chanterai plus les paysages du moi
Ils cachent trop ce qu'ils dérobent

Je serai Bashô face à l'étang
Sans même noter le chant de la grenouille
J'écrirai un haïku et un tanka sans artifices

Je prierai

Ce soir a la moisson d'étoiles
Qu'il mérite
Et la jachère de ténèbres
Dont je suis responsable

Claude Lopez-Ginisty: Oraga Haru
Photo: Procession nocturne orante ( auteur)

mercredi 20 août 2008

Phos


Il y aura la source du poème
Et les mots gris-bleu d'un prophète ancien
Et la chanson qui sera venue
Pour enchanter le silence désuet

O le fier cheval fougueux 
De la marée déferlante des ténèbres
J'écoute l'ombre des paroles
A travers la pénombre bruissante

Ce sera une nuit
Qui m'ajournera pour Ailleurs
Et m'ôtera ces heures jaunes du jour
En me biffant d'un signe de Croix vivifiant

Les agonies n'existent plus
Aux yeux de ceux qui vivent dans l'Eternité
Et la main qui ferme un regard
L'ouvre à l'intérieur 
Sur l'unité du silence d'Amour
Où s'aiment l'âme et le corps
Là ou le chant devient hymne

Claude Lopez-Ginisty: Oraga Haru
Photo: Cathédrale Russe de Vevey ( auteur)

mardi 19 août 2008

Les Enfants du Souvenir


Nous sommes les enfants
De la mer et du vent
Du sable et des montagnes

Nous resterons à jamais
Les pèlerins dociles du souvenir
Nous cheminerons sur cette terre
En foulant le sol de nos jeunes années

Nous avons la certitude du passé
De l'innocence et de la beauté
L'accord fragile
Des larmes et des rires partagés

Nous sommes les enfants 
De la mer et du vent
Du sable et des montagnes

Claude Lopez-Ginisty: Biladi
Photo: J.-P. Gimenez, Aflou Djebel Amour, 1958


lundi 18 août 2008

Hésychie/ Calme


I
La flamme d'une bougie
La fumée de l'encens
Le chœur du silence
II
Passe vite
Toi qui possèdes une lampe
Dehors la lune étincelle
III
Le monde est endormi
La maison est placide
Il fait nuit douce
IV
Mon esprit se fait vif
Sur l'étang les roseaux courbés
Deviennent flûtes
V
La tête vers la Montagne Sainte
Les yeux désillés par l'encens
Je dors dans le calme du Nom

Claude Lopez-Ginisty: Oraga Haru
Photo: Nuages au-dessus de la Sainte Montagne ( auteur)

dimanche 17 août 2008

Pluie


Guitare les mots 
A perdre le chœur du jardin
Le soir plus doux que tout autre moment
 Est un ami attentif
Avec ses lentes symphonies de ruelles désertées

La cathédrale veille 
Une mort si jeune
Que le Nouveau Testament 
Lui promet l'éternité

Passe ô mon âme ton chemin 
En pèlerin silencieux 
Tu es à renaître 
Dans les souvenirs 
Que tu vivras maintenant

S'il pleut ne laisse nulle ondée t'épargner
Le baptême que tu recevras
Sous la prison aux barreaux limpides
Te délivrera de ta jachère spirituelle

Et ta florescence se perdra 
Dans le courtil des poèmes
Avant de te mener
Dans le dédale gris-bleu
Du jour qui point

Claude Lopez-Ginisty: Oraga Haru
Photo: Page oubliée par les siècles ( auteur)

samedi 16 août 2008

Miss Rainbow


O Miss Rainbow
With a bitter-sweet lip
You change the rules 
Of that funny game
I played with life and God

O Mademoiselle Arc-En-Ciel
A la lèvre douce-amère
Tu changes les règles
De ce drôle de jeu 
Auquel je jouais avec la vie et avec Dieu

O Miss Rainbow
I do not know how to spell the name of clouds
And I never really tried to break the beach
I did not believe in fragile sandcastles

O Mademoiselle Arc-En-Ciel
Je ne sais comment épeler le nom des nuages
Et je n'ai jamais vraiment essayé de briser la plage
Je ne croyais pas aux fragiles châteaux de sable

O Miss Rainbow
Crossroads of all tiny paths and paces
I wish I could be just for a while
The dewy reincarnation of your morning appearance

O Mademoiselle Arc-En-Ciel
Carrefour de tous les minuscules chemins et pas
J'aimerais être ne serait-ce qu'un instant
La réincarnation de rosée de ton apparition matinale

Claude Lopez-Ginisty: Oraga Haru
Photo: Fleurs du chemin sur le Ranft ( auteur)


vendredi 15 août 2008

Aïn Guesma


Si tu savais le goût du soir
Qui frissonne de jasmin et de menthe
La douceur de la nuit 
Qui bruisse de lents insectes
Et s'étend comme un noir burnous
Et le silence soudain
Qu'écorchaient les cigales et les criquets
Dans une moiteur suave

Si tu savais l'odeur de soleil et de bleu du matin
Et la caresse tendre du vent qui se lève
Sur les collines et les montagnes à l'horizon

Si tu savais la nostalgie
D'une langue et d'un accent
Et la symphonie des souks
Qui rivalisent de couleurs et de parfums

Si tu savais la douleur étouffée de l'exil
Que l'on masque dans les sourires
Et la peine lourde des années
Passées loin des racines

Tu comprendrais 
Peut-être

Claude Lopez-Ginisty: Biladi
Photo: J.-P. Gimenez, Aflou, Djebel Amour, 1958

jeudi 14 août 2008

Livres

J'ai le loisir fragile des heures à venir
Cette douce tolérance des lèvres muettes
Et l'étreinte sans ombre des matins solitaires

J'apprends le nom exact de toute chose
Et je lis les mots que j'aime
Aux heures que m'enlèvent les heures

Hier aujourd'hui demain
La certitude heureuse de la continuité
Suscite un jardin qui ne verra nul automne

Mon âme est celle qui naît fragile
Halo de brume aux source du vent 
Près du lac pleur immense et lent
Et le vrai ciel est celui du reflet

Qui me regarde verra
( Villon est mort hier sur son rayon de bois
D'avoir ignoré la secrête destination
Des Dames du temps jadis)

Il a plu sous l'auvent de la cathédrale
Et des pèlerins sans ombre
Ont demandé l'aumône du soleil

La nuit est venue sur la Tour Magne
Et le fantôme de l'écho
A récité vêpres et complies
Avec un chapelet de grains de sable
Sur une plage oubliée loin dans les cieux

Je sais pourquoi
Un nom que l'on ne peut prononcer
N'est pas le Nom de l'Eternel

Claude Lopez-Ginisty: Oraga Haru
Photo: Livres qui attendent ( auteur)


mercredi 13 août 2008

Août Septante


Il vint sur le poème
Et en fit une chanson par Sa grâce

Il murmura le chant
Et cela devint une symphonie

Mon amour a mis une alliance
Sur son âme
Pour être sûr que cet hymen serait divin

J'espère avoir vu à ce moment
Les mendiants à la porte de la cathédrale
Et le sourire héroïque des enfants affamés
Dans quelque lieu perdu d'Afrique

Si ce n'était pas le cas
La symphonie issue du poème
N'aurait aucune réalité

Toutes les horloges sont fausses
Lorsque l'Amour est en retard sur la vie

Claude Lopez-Ginisty: Oraga Haru
Photo: Fleurettes vespérales( auteur)

mardi 12 août 2008

Toamna/ Automne


La fontaine du val élance un chant
Sur la clameur fauve de la nuit
Le voyageur des musiques célestes a dressé ses étoiles
Et pour obtenir la monnaie pâle de la lune
Il montre la Grande Ourse à l'écho du silence

Je suis la limite exacte du paysage
Le passage conquis dans la ténèbre constellée
A la force de mon seul regard las

Demain est cette approche irrémédiable
Qu'étagent les ombres sur les ondes
Et je lis en rêvant la courbure des bois
Pour enfermer le soir ailleurs que dans le temps

Hier la ville gémissait sous les sanglots
Et la guerre lointaine pourtant 
Egratignait les sourires

Je sais pourquoi
Souvent je ne chante plus

Le soupir est la mesure sensible du calme
Et l'oubli la rançon de l'indifférence

Claude Lopez-Ginisty: Oraga Haru
Photo: Sculpture céramique de Dominique Aymonier-Lopez


mardi 5 août 2008

Mélodie nocturne


Ame claire
Tu reçois la mélodie grave de la nuit
Musique qui souffre
Des rayons dorés
Qui sourdent du ciel sanglant

Qu'est la vie de l'homme
Confrontée au sanctuaire nocturne
Je prierai
Pour une foliation précoce
Et pour une floraison tardive

Amour qui rend
Les commencements éternels
Je prie
Et le vent gris avec ses yeux
Solides de sable
Chante avec moi joyeusement

Dansons
Tout est joyeux

Toi Qui résides
Au-delà de toutes les espérances
Tu es ineffable
Dans Ta Présence aux instants
Graines d'Eternité

Claude Lopez-Ginisty: Oraga Haru
Photo: Vent du Nord (auteur)