vendredi 17 juin 2011

In Memoriam A.



Malgré la foule funèbre et noire
Ils partent irrémédiablement seuls
Nos amis morts 
Sans offices ni prières

La compagnie des vivants
Les abandonne au bord de la fosse

Une pelletée de terre
Un discours qui sonne faux
Et les futurs défunts repartent 
Pour vite oublier cette tristesse
Et s'ancrer dans une vie 
Qui finira malgré tout
Dans cette horreur qu'ils fuient

Dans leur enfance lointaine
Ils connaissaient l'école et l'Eglise
La terre et le Ciel

Le monde alors ne s'arrêtait pas
A la béance de glèbe 
Qui enferme le cercueil 
Dans son linceul brun d'oubli

Il y avait la porte du cœur
Et l'huis merveilleux de l'âme
Qui permettaient l'espérance
Et magnifiaient l'existence

La beauté dérisoire des fleurs
Simule à présent une cérémonie
Mais le Nom Ineffable
Ne sera pas prononcé

Il faut respecter
Le refus obstiné de Dieu
Que manifestent les survivants

Nos lèvres resteront closes
Recouvertes du suaire noir
Du silence des mots
Du mutisme douloureux
Des paroles de la terre et du cœur
Qui montent vers le Ciel

Nous serons muets
Par simple respect
Malgré la clameur orante
Qui déborde de notre âme

Un insondable poids macabre
Plombe les visages
Et emprisonne les pensées
Dans l'horreur du néant à venir

Ce serait infamant à présent
Même au moment où la détresse
Vrille les cœurs d'une douleur lancinante
D'admettre qu'une prière s'impose

L'ami mort s'en va
Lent et immobile à jamais
Dans son pays d'oubli
A l'horizon sans fin de tristesse
De silence pesant 
Et de regret 

Seigneur Christ miséricordieux
Accorde à nos morts qui T'ont perdu
Dans l'orgueil de la vie 
Et la bêtise du monde vain
L'entrée dans Ton Royaume

Reçois pour eux de nos lèvres indignes
Nos prières muettes
Le Psautier de nos larmes
L'encens de nos soupirs 
Et accueille-les tendrement
Dans le Sein d'Abraham

Claude Lopez-Ginisty

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